Dégoût pour le petit déjeuner

Beaucoup d’enfants éprouvent un dégoût souvent insurmontable pour le petit déjeuner. Ils préfèrent partir à l’école avec l’estomac vide, et si on les oblige à manger, il arrive qu’ils vomissent aussitôt tout ce qu’ils ont absorbé. J’ignore quelle explication physiologique les pédiatres donnent à ce phénomène, voire si ce problème les a jamais préoccupés. Pour ma part, l’examen psychanalytique d’un cas de ce genre m’a amené à formuler une interprétation psychologique du symptôme.

Mon patient a toujours conservé cette idiosyncrasie, même à l’âge adulte, et il est apparu qu’il s’agissait d’un déplacement du dégoût inconscient que lui inspiraient les mains de sa mère. Dès l’enfance il connaissait l’existence des relations sexuelles entre ses parents, mais il avait refoulé son savoir car il était incompatible avec les sentiments de tendresse et de respect qu’il éprouvait pour eux. Mais lorsque sa mère le matin, au sortir de la chambre à coucher, lui servait le petit déjeuner avec ces mêmes mains qui avaient sans doute joué un rôle dans l’acte défendu — se faisant même peut-être baiser la main par l’enfant auparavant — la motion réprimée se manifestait par le dégoût pour le petit déjeuner sans que l’enfant fût conscient des véritables causes de son idiosyncrasie.

Il appartiendrait aux pédiatres de rechercher si cette explication est valable ou non dans d’autres cas, ou éventuellement dans tous. Cela nous fournirait quelques éléments pour la thérapeutique.

J’ai montré ailleurs que l’association particulière qui existe entre le sentiment de dégoût et le fait de cracher ou de vomir indique la présence dans l’inconscient d’une tendance coprophile à avaler des choses « dégoûtantes ». Si c’est le cas, cracher et vomir constitueraient déjà des formations réactionnelles à la coprophagie. Cette conception est également valable dans le cas du « dégoût pour le petit déjeuner ».