« Les trois essais sur la théorie de la sexualité » (4ème édition revue et augmentée)

Cet ouvrage essentiel de Freud, dont j’ai déjà souligné l’intérêt scientifique dans un précédent article1, vient d’être publié dans une quatrième édition augmentée de nombreux ajouts importants. La préface de cette nouvelle édition traite de la singulière dissociation dont la doctrine psychanalytique a été l’objet en ce qui concerne la reconnaissance officielle. Si, en dépit des hésitations et des réserves, la plupart de ses découvertes ont fini par être admises, seules les théories sexuelles de Freud continuent à rencontrer une vive résistance, qui va même jusqu’à entraîner la défection de certains de ses anciens partisans. L’auteur nous fournit d’ailleurs l’explication du sort particulier réservé à sa théorie sexuelle.

Le chapitre sur l'inversion a été considérablement augmenté. À l’encontre des affirmations des Uranistes qui se veulent une espèce humaine à part, Freud continue à affirmer la bisexualité originaire de tous les animaux supérieurs, y compris l’homme ; de cette bisexualité découlent l’hétérosexualité ou l’homosexualité par limitation plus ou moins importante des tendances vers son propre sexe. Parmi les facteurs constitutionnels qui prédisposent à l’inversion, Freud relève le narcissisme et la fixation à la zone anale. Il approuve par ailleurs la distinction conceptuelle que j’ai proposée de faire entre homoérotisme de sujet et homoérotisme d'objet2 mais fait remarquer que cette distinction n’est jamais nette dans la réalité. Par contre, le terme de névrose obsessionnelle que j’ai utilisé pour qualifier l’homoérotisme d’objet n’est pas retenu. Je dois reconnaître après coup le bien-fondé de cette critique ; j’aurais dû me borner à qualifier l’homoérotisme d’objet de névrose.

Les découvertes importantes de Steinnach sur les conséquences expérimentales de l’implantation de glandes pubertaires, etc. sont étudiées en détail et Freud expose la position de la psychanalyse à l’égard de ces faits nouveaux.

Dans un autre ordre d’idées, Freud montre que les observations et les expériences biologiques viennent confirmer la conception psychanalytique de la « période de latence sexuelle » en constatant que la puberté se divise en deux grandes phases séparées par une « phase intermédiaire ».

Quant aux perversions, on montre pour la première fois qu’elles ne représentent nullement un blocage à une étape précoce du développement mais des régressions à partir du stade de la primauté génitale au moment du refoulement du complexe d’Œdipe. Par conséquent, il ne faut pas faire une distinction de principe aussi tranchée entre les névroses et les cas de perversion qu’on rencontre dans notre pratique (et qui peuvent être guéries par la psychanalyse).

Cette nouvelle édition tient compte des résultats les plus récents obtenus par les recherches psychanalytiques dans le domaine des organisations sexuelles (tel l’article d’Abraham sur la phase cannibale).

Faut-il encore le répéter, toute personne concernée par la psychanalyse se doit de connaître parfaitement cet ouvrage de Freud.


1 « L’importance scientifique des Trois Essais de Freud », dans Psychanalyse II, p. 177.

2 Cf. Ferenczi, « L’homoérotisme », Psychanalyse II.